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La Villa Ephrussi de Rothschild

Le palais, ses jardins

Il y a 120 ans, Béatrice de Rothschild tombait sous le charme et la beauté intemporelle du Cap-Ferrat. A tel point qu’elle se saisit sans plus attendre d’un terrain convoité par le roi des Belges, Léopold II. Là où certains ne voient qu’un promontoire rocheux battu par les vents, la jeune femme imagine une fastueuse demeure nichée dans un immense jardin. Le numéro 9 de notre journal vous donne rendez-vous aux marches de ce palais d’inspiration Renaissance italienne.


1904 une année charnière pour Béatrice de Rothschild et Saint-Jean

Âgée de 40 ans, la baronne se sépare de son mari, Maurice Ephrussi, milliardaire russe, après 21 ans de mariage. Flambeur, endetté, ce dernier dilapidait la fortune familiale. La relation se termine devant les tribunaux et laisse Béatrice sans enfants. C’est aussi cette année-là que le hameau de Saint-Jean se sépare de Villefranche-sur-Mer. La nouvelle commune se choisit pour nom, Saint-Jean-sur-Mer. Trois ans plus tard, la cité devient Saint-Jean-Cap-Ferrat. Entre-temps, en 1905, la jeune femme a perdu son père, le baron Alphonse de Rothschild. Elle partage avec son frère une fortune estimée à 700 000 000 d’euros. Quelques temps après, l’héritière découvre la presqu’île où elle acquiert un terrain de 7 hectares, surplombant à la fois la rade de Villefranche-sur-Mer et la baie de Beaulieu.

                                                                                                    

 

Baptisée Île-de-France

Afin de réaliser la villa de ses rêves, la baronne de Rothschild s’entoure d’architectes en vue, Claude Girault (Petit Palais) et Henri-Paul Nénot (nouvelle Sorbonne), dont au final elle ne retient pas les projets. Elle s’attache Jacques-Marcel Auburtin (salle Pleyel). L’architecte niçois Aaron Messiah (casino municipal de Nice) l’assiste. Cinq ans de travaux seront nécessaires pour réaliser ce palais d’inspiration Renaissance italienne et ses jardins. Comme de nombreuses villas de la Côte d’Azur, son style est éclectique. Sa façade nord se compose de plusieurs parties sur laquelle s’exprime, certes, la Renaissance italienne (portique), mais aussi le gothique flamboyant (porche d’entrée) et la Renaissance florentine (escalier intérieur en saillie). Exceptionnellement symétrique, sa façade sud fait référence aux écoles florentine et vénitienne. Le premier jardin créé et le jardin à la française avec bassins, cascades et temple d’Amour. Le jardin est conçu comme la proue d’un navire. Sa propriétaire imagine des miroirs de plusieurs centimètres d’épaisseur, disposés en haut de la colline afin de refléter la mer et de donner ainsi l’illusion que le jardin flotte. Commencés en 1907, les travaux s’achèvent en 1912. Béatrice de Rothschild baptise la demeure, Île-de-France et s’y installe en saison d’hiver, partageant son temps entre Paris, Monaco et Deauville.

                                                            


La demeure d’une collectionneuse avertie

Pétillante de charme et d’intelligence, la jeune femme a hérité du goût des belles choses de sa famille, dont la devise est Ars Patriae Decus (L’art est l’honneur de la patrie). Collectionneuse, la demeure a tôt fait de se remplir de tableaux de maîtres, de porcelaines, de tapis, de mobilier, notamment du XVIIIe siècle. Elle-même revêt des robes d’inspiration XVIIIe créées par le couturier de la Belle Epoque, Jacques Doucet. Des collections qui sont données à voir à la villa.               

                                    


Léguée à l’Académie des beaux-arts

Béatrice de Rothschild vivait simplement et dépensait peu, hormis pour constituer ses collections. Mais ses soirées pouvaient revêtir du faste, comme celle que le chroniqueur, André de Fouquières, relatera : « Je me souviens d’une nuit d’été, où nous eûmes le privilège de voir, dans les jardins de son hôtel dessinés à la française, et baignés de clair de lune, la Pavlova danser sur des nocturnes de Chopin ». En 1934, atteinte de tuberculose, elle se retire à Davos en Suisse, où elle s’éteint. L’année précédente, la baronne a légué la villa et ses collections (environ 5 000 œuvres d’art) à l’Académie des beaux-arts, dont son père était membre. Le site ouvre au public en 1937.

 

7 jardins thématiques et une roseraie

En 1934, l’architecte-paysagiste Louis Marchand est missionné pour créer les jardins thématiques qui font aujourd’hui la grande richesse et la curiosité du lieu : espagnol, florentin, lapidaire, japonais, exotique (mexicain), provençal, la roseraie Il restaure le jardin à la française. Laissés à l’abandon durant la Seconde Guerre mondiale, les espaces sont de nouveau repris par Louis Marchand. La villa est elle aussi restaurée et prend sa couleur rouge-rose vénitien. L’implacable hiver de 1985 sera destructeur pour le jardin, notamment exotique. Mais comme après-guerre, celui-ci est magnifiquement recomposé et fait l’admiration du public.

                                                            

A lire, les ouvrages de Didier Gayraud :

l'Age d'or de Saint-jean-Cap-Ferrat 

Saint-Jean-Cap-Ferrat, Beaulieu et Villefranche

Belles demeures en Riviera

Saint-Jean-Cap-Ferrat, histoire d'une presqu'île