Scott et Zelda infiniment charmés par la Côte d’Azur
Mai 1924. Scott et Zelda se laissent séduire par la magie de la côte méditerranéenne, le bleu grec de la mer et la douce caresse de la nuit au premier quart de lune. Tant et si bien qu’ils décident de louer une villa où Scott pourrait reprendre et terminer le manuscrit de son roman. C’est dans les frondaisons du quartier de Valescure, sur les hauteurs de Saint-Raphaël, derrière les volets clos de la villa Marie que l’écrivain retrouve l’inspiration et la quiétude nécessaire à l’élaboration de son roman culte, dont le héros sera magistralement interprété par Robert Redford puis par Leonardo DiCaprio.
Entre écriture et plage
« Oh ! que nous allons être heureux loin de toutes les choses qui avaient presque fini par nous posséder », dira Zelda. Ce à quoi Scott avait répondu : « Nous sommes à présent au Paradis, ou du moins plus près que nous ne l’avons jamais été ». Loin des extravagances et des folies de Long Island, Scott et Zelda semblent renaître et goûter aux plaisirs simples : baignades, repas aux saveurs provençales, promenades dans les allées desservant les grandes demeures de la Belle Epoque et le long du rivage varois, encore déserté des touristes en saison estivale.
L’achat d’une petite Renault permet à Zelda de se rendre à la plage à volonté alors que Scott est pleinement accaparé par l’écriture de son roman. En fin d’après-midi, Scott la rejoint bien décidé à se faire toutefois griller par le soleil.
Zelda tombe amoureuse d’un aviateur français : l’histoire nourrit Gatsby
A la plage, les Fitzgerald sympathisent avec quelques jeunes officiers de la base aéronavale de Fréjus. Entre les vols d’essai et la vie de garnison, les pilotes s’accordent un peu de bon temps. On danse dans les guinguettes du bord de mer et au casino. Une grande soirée est organisée à la villa Marie en présence des aviateurs et de jeunes gens louant une demeure voisine. Le phonographe joue Cole Porter et Irving Berlin. Au cœur des attentions des aviateurs, Zelda semble revivre. Avec l’un d’eux, une tendre intimité se crée. « Crois-tu qu’il soit vraiment un dieu ? » demande-t-elle à Scott. Edouard Jozan est un être solaire, au visage sculpté et à la silhouette bien découpée dans son uniforme immaculé de l’aviation française. Avec la bénédiction de Scott, les deux jeunes gens se retrouvent pour de longues balades, pour se baigner et danser au son de jazz-band. Zelda s’épanouit pleinement dans cet univers lascif.
L’idylle amuse le jeune lieutenant qui ne voit dans cette aventure qu’un flirt sans lendemain. Mais Zelda enfante le désir de prendre place dans la vie de l’aviateur. Alors vient le moment des aveux où Zelda demande à Scott d’accepter le divorce. Abasourdi, jugeant la situation complètement folle, il exige de rencontrer Jozan, espérant une explication. La confrontation ne se fait pas et les choses en restent là. Scott retourne à son roman. Zelda est priée de rester à la villa. Muté, Jozan disparait de leur vie. Fitzgerald sait que « quelque chose d’irréparable » s’est produit. Pour autant qu’il en soit meurtri, l’écrivain analyse et transpose le drame au livre ; nourrissant les pages de la crise qui s’est jouée. Aussi met-il en scène la confrontation avortée avec Zelda et Jozan en prêtant à Gatsby et Tom Buchanan, le mari de Daisy, les mots qu’il a tant redouté d’entendre : « Votre femme ne vous aime pas. Elle ne vous a jamais aimé. Elle m’aime. » Scott se détache affectivement du drame pour le canaliser tout entier vers l’œuvre.
La fin de l’écriture, la fin de l’été
Fin août, Fitzgerald écrit à son ami Ludlow Fowler avoir terminé son roman et en être à la dernière révision. Bien qu’il lui dise avoir passé un été tranquille, quelque chose de désespéré pointe lorsqu’il aborde Gatsby : « Tel est le fond de ce livre – La perte de ces illusions qui donnent une telle couleur au monde qu’on a nul souci que les choses soient vraies ou fausses tant qu’elles participent de cette glorieuse magie ». Début novembre 1924, à la fin de leur bail, Scott et Zelda s’installe à l’hôtel Continental, établissement de 1882 situé en front de mer, à Saint-Raphaël (détruit et remplacé). Scott y écrit sa nouvelle Amour dans la nuit, dans laquelle il décrit sa fascination pour les Russes richissimes d’avant-guerre, ceux qui avaient « le plus fastueux train de vie » aussi bien à Monte-Carlo, qu’à Nice ou Cannes. Mi-novembre, le couple décide de partir pour Rome puis passera l’hiver à Capri. Un autre terrain de villégiature.
Publié en avril 1925, Gatsby le Magnifique est joué l’année suivante à Broadway et adapté au cinéma. Les studios hollywoodiens le produiront à plusieurs reprises, dans les années cinquante, en 1974, avec Robert Redford, en avec Leonardo Di Caprio en 2013.
© F. Scott Fitzgerald. Papers Manuscrit Division Princeton University Library (photographies). © Jean-Luc Guillet 2024.
Sur les pas de Zelda à Valescure : découvrir le parcours des Villas Belle Epoque Ici